Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 2.djvu/454

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satisfaction. La réponse de Valérie fut celle qui convenait à la fille et à la veuve d’un souverain. Elle y mêla seulement la prudence que sa malheureuse situation la forçait d’observer. « Si l’honneur, dit-elle aux personnes que Maximin avait employées auprès d’elle, permettait à une femme de mon caractère de penser à un second mariage, la décence me défendrait au moins d’écouter la proposition du prince dans un temps où les cendres de mon mari, son bienfaiteur, ne sont pas encore refroidies. Voyez ces vêtemens lugubres, ils expriment la douleur dans laquelle mon âme est plongée. Mais quelle confiance, ajouta-t-elle avec fermeté, puis-je avoir aux protestations d’un homme dont la cruelle inconstance est capable de répudier une épouse tendre et fidèle[1]? » À ce refus, l’amour de Maximin se changea en fureur : comme il avait toujours à sa disposition des témoins et des juges, il ne lui fut pas difficile de cacher son ressentiment sous le voile d’une procédure légale, et d’attaquer la réputation aussi-bien que la tranquillité de Valérie. Les biens de cette malheureuse princesse furent confisqués ; ses eunuques, ses domestiques livrés aux plus cruels supplices. Enfin, plusieurs vertueuses et respectables matrones qu’elle avait honorées de son amitié, souffrirent la mort sur une fausse accusation d’adultère. L’impératrice elle-même et sa mère Prisca furent condamnées à vivre en exil dans un village situé au milieu des déserts

  1. Lactance, De morte persec., c. 39.