Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 2.djvu/78

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corps choisi des grands ou des chefs de la nation préparait quelquefois et proposait les affaires les plus importantes[1]. Les magistrats pouvaient délibérer et persuader ; le peuple seul avait le droit de prononcer et d’exécuter. La promptitude et la violence caractérisaient presque toujours les résolutions des Germains. Ces barbares, qui faisaient consister la liberté à satisfaire la passion du moment, et le courage à braver les dangers, rejetaient en frémissant les conseils timides de la justice ou de la politique. Leur indignation éclatait alors par un sombre murmure. Mais lorsqu’un orateur plus populaire leur proposait de venger quelque injure, de briser même les fers du dernier des citoyens ; lorsqu’il appelait ses compatriotes à la défense de l’honneur national ou à l’exécution de quelque entreprise pénible et glorieuse, un choc terrible d’épées et de boucliers exprimait les transports et les applaudissemens de toute l’assemblée. Les Germains ne se rassemblaient jamais que couverts de leurs armes ; et au milieu des délibérations les plus sérieuses, on avait tout à craindre du caprice aveugle d’une multitude féroce qu’enflammaient l’esprit de discorde et l’usage des liqueurs fortes, et toujours prête à soutenir par la violence des résolutions prises au sein du tumulte. Combien de fois avons-nous vu les diètes de Pologne teintes

  1. Grotius change une expression de Tacite, pertractantur, en prætractantur : cette correction est également juste et ingénieuse.