Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 2.djvu/90

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ont étudié les antiquités des Celtes, des Scandinaves et des Germains. Des recherches exactes ont fait connaître le génie, le caractère des bardes : on sait combien leurs emplois importans inspiraient de vénération pour leur personne. Il est plus difficile d’exprimer, de concevoir même cette fureur pour les armes, cet enthousiasme militaire qu’ils allumaient par leurs chants dans le cœur de leurs compatriotes. Chez un peuple civilisé, le goût de la poésie est plutôt un amusement de l’imagination qu’une passion de l’âme ; et cependant lorsque, dans le calme de la retraite, nous lisons les combats décrits par Homère ou par le Tasse, insensiblement la fiction nous séduit ; nous ressentons quelques feux d’une ardeur martiale. Mais combien sont faibles et froides les sensations que reçoit un esprit tranquille dans le silence de l’étude ! C’était au moment de la bataille, c’était au milieu des fêtes de la victoire, que les bardes célébraient les exploits des anciens héros, et qu’ils faisaient revivre les ancêtres de ces guerriers belliqueux qui écoutaient avec transport des chants barbares, mais animés[1]. La poésie tendait à in-

  1. Tacite, Germ. 3 ; Diodore de Sicile, l. V ; Strab., l. IV, p. 197. On peut se rappeler le rang que Démodocus tenait à la cour du roi des Phéaciens, et l’ardeur que Tyrtée inspira aux Spartiates découragés. Cependant il est peu vraisemblable que les Grecs et les Germains fussent le même peuple. Nos antiquaires s’épargneraient beaucoup d’érudition frivole, s’ils se donnaient la peine de réfléchir que des