Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/129

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trouve rien dans leurs ouvrages qui puisse nous donner une idée juste du véritable nombre des fidèles de ces provinces. Cependant il nous est heureusement parvenu une circonstance qui semble jeter un plus grand jour sur ce sujet obscur, mais intéressant. Sous le règne de Théodose, après que le christianisme eut brillé, pendant plus de soixante ans, de l’éclat de la faveur impériale, l’ancienne et illustre Église d’Antioche consistait en cent mille habitans, dont trois mille étaient soutenus par les offrandes publiques[1]. La splendeur et la dignité de la reine de l’Orient ; la population connue de Césarée, de Séleucie et d’Alexandrie, et la perte de deux cent cinquante mille personnes qui périrent dans le tremblement de terre dont Antioche fut affligée du temps de Justin l’ancien[2], sont autant de preuves convaincantes que cette dernière ville renfermait au moins cinq cent mille habitans, et que les chrétiens, quoique extrêmement multipliés par l’autorité et par le zèle, n’en formaient pas plus de la cinquième partie. Combien la proportion sera-t-elle différente, si l’on compare l’Église persécutée avec l’Église triomphante, l’Occident avec l’Orient, des villages obscurs avec des villes populeuses, et des contrées nouvellement converties, avec le lieu où les fidèles ont reçu, pour la première fois, le nom de chrétien !

  1. Saint Chrysostôme, Opera, tom. VII, p. 658, 810, édit. Savil.
  2. Jean Malala, tom. II, p. 144. Il tire la même conclusion par rapport à la population d’Antioche.