Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/167

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coupables. On sait, et nous avons déjà dit, que toute association entre les sujets de l’empire alarmait la politique de Rome : toujours défiante et soupçonneuse, elle n’accordait qu’avec la plus grande réserve des priviléges aux sociétés particulières, même à celles qui avaient été formées dans les vues les moins nuisibles et les plus avantageuses[1]. Les assemblées religieuses des chrétiens, qui s’étaient séparés du culte public, parurent bien moins innocentes. Illégales dans leur principe, elles pouvaient avoir des suites très-dangereuses ; et les empereurs ne croyaient pas violer les lois de la justice, lorsque, dans la vue d’entretenir la paix de l’état, ils défendaient ces assemblées secrètes et quelquefois nocturnes[2]. La pieuse désobéissance des chrétiens faisait paraître leur conduite et peut-être leurs desseins sous un jour beaucoup plus sérieux et bien plus criminel. Les souverains de Rome, qu’une prompte soumission aurait pu désarmer, crurent leur honneur intéressé à l’exécution de leurs ordres ; et ils essayèrent plus d’une fois de subjuguer, par des châtimens rigoureux, cet esprit indépendant qui reconnaissait

  1. Trajan refusa d’établir à Nicomédie une communauté de cent cinquante pompiers pour l’usage de la ville. Ce prince avait de la répugnance pour toute espèce d’association. Lettres de Pline, X, 42, 43.
  2. Pline étant proconsul, avait publié un édit général contre les assemblées illégitimes. La prudence engagea les chrétiens à suspendre leurs agapes ; mais il ne leur était pas possible d’interrompre l’exercice du culte public.