Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/181

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seulement dans la Judée, source du mal, mais à Rome, où vient aboutir et se multiplier tout ce que les passions inventent d’ailleurs d’infâme et de cruel. On arrêta d’abord des gens qui s’avouaient coupables ; et sur leur déposition, une multitude de chrétiens, que l’on convainquit moins d’avoir brûlé Rome que de haïr le genre humain[1]. On joignit les insultes aux supplices : les uns, enveloppés de peaux de bêtes féroces, furent dévorés par des chiens ; d’autres attachés en croix ; plusieurs brûlés vifs ; on allumait leurs corps sur le déclin du jour pour servir de flambeaux. Néron prêta ses jardins à ce spectacle, auquel il ajouta les jeux du cirque, mêlé parmi la populace, en habit de cocher, ou conduisant lui-même un char. Ainsi, quoique les chrétiens fussent des scélérats dignes des plus rigou-

  1. Odio humani generis convicti. Ces mots peuvent signifier ou la haine du genre humain contre les chrétiens, ou la haine des chrétiens contre le genre humain. J’ai préféré le dernier sens, comme le plus conforme au style de Tacite et à l’erreur populaire, dont un précepte de l’Évangile (Voyez saint Luc, XIV, 26) avait peut-être été l’occasion innocente. Mon interprétation est justifiée par l’autorité de Juste-Lipse ; des traducteurs de Tacite, italiens, français et anglais ; de Mosheim (p. 102) ; de Le Clerc (Hist. ecclésiast., 427); du Dr  Lardner (Témoignages, vol. I, p. 345) ; et de l’évêque de Gloucester (Divine Légation, vol. III, p. 38). Mais comme le mot convicti ne se joint pas fort bien avec le reste de la phrase, Jacques Gronovius a préféré de lire conjuncti ; ce qui est autorisé par le précieux manuscrit de Florence.