Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/204

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pouvait être aigrie par des motifs d’avarice ou de ressentiment personnel[1]. Mais on ne saurait en douter et les déclarations que la reconnaissance a dictées aux premiers chrétiens en sont un sûr garant ; les magistrats qui exerçaient dans les provinces l’autorité de l’empereur ou du sénat, et auxquels seuls on avait confié le droit de vie et de mort, se conduisirent, en général, comme des hommes qui joignaient à une excellente éducation, des mœurs honnêtes, qui respectaient les règles de la justice, et qui avaient étudié les préceptes de la philosophie ; la plupart refusaient le rôle odieux de persécuteur ; souvent ils rejetaient les accusations avec mépris, ou ils suggéraient aux chrétiens les moyens d’éluder la sévérité des lois[2]. Toutes les fois qu’on leur remettait un pouvoir illimité[3], ils s’en servaient moins pour opprimer l’Église, que pour la protéger et pour la secourir dans son affliction. Ils étaient bien éloignés de condamner tous les chrétiens accusés devant leur tribunal, et de punir du dernier supplice tous ceux

  1. Claudius Herminianus, gouverneur de la Cappadoce, irrité de la conversion de sa femme, traita les chrétiens avec une sévérité extraordinaire. (Tertullien, ad Scapulam, c. 3.)
  2. Tertullien, dans sa lettre au gouverneur d’Afrique, parle de plusieurs exemples remarquables d’indulgence et de douceur qui étaient venus à sa connaissance.
  3. Neque enim in universum aliquid quod quasi certam formam habeat, constitui potest : ces paroles de Trajan donnaient un pouvoir très-étendu aux gouverneurs des provinces.