Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/248

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usurper dans l’Église une puissance temporelle et tyrannique ; et la foi vive qui distinguait toujours les chrétiens des gentils, brillait bien moins dans leur conduite, que dans leurs écrits sur des matières de controverse.

Progrès du zèle et de la superstition des païens.

Malgré ce calme apparent, un observateur attentif pouvait discerner quelques avant-coureurs de l’orage qui menaçait l’Église d’une persécution plus violente que toutes celles que, jusque alors, elle avait eues à supporter. Le zèle et les progrès rapides du christianisme tirèrent les polythéistes de leur profond assoupissement ; ils songèrent à défendre la cause de ces divinités que la coutume et l’éducation leur avaient appris à respecter. Les outrages réciproquement reçus dans le cours d’une guerre religieuse, qui avait déjà duré plus de deux cents ans, irritaient l’animosité des différens partis. Les païens s’indignaient de la témérité d’une secte nouvelle et obscure, qui osait accuser ses compatriotes d’erreur, et dévouer ses ancêtres à des peines éternelles. L’habitude de justifier la mythologie païenne contre les invectives d’un ennemi implacable, avait réveillé quelques sentimens de foi et de vénération pour un système dont ils ne s’étaient occupés jusque alors qu’avec la plus inattentive légèreté. Les pouvoirs surnaturels dont l’Église prétendait avoir la jouissance, excitaient à la fois la terreur et l’émulation. Les partisans de la religion établie se retranchèrent également derrière un rempart de prodiges. Ils inventèrent de nouvelles formes de sacrifices, d’expia-