tranquillement leur vie au centre de l’empire, et les villes les plus florissantes gémissaient sous l’intolérable oppression des quartiers militaires. Les soldats perdaient insensiblement l’esprit de leur état, et prenaient tous les vices de l’oisiveté ; ou ils s’avilissaient par une industrie basse et sordide, ou bien ils s’énervaient le corps et l’âme par les bains et par les spectacles. Ils négligèrent bientôt les exercices militaires pour se livrer à la parure et à la bonne chère ; formidables pour leurs concitoyens, ils tremblaient à la vue des Barbares[1]. La chaîne de fortifications que Dioclétien et ses collègues avaient tendue sur les bords des grands fleuves, cessa d’être entretenue avec le même soin et défendue avec la même vigilance. Les troupes connues sous le nom de gardes des frontières auraient pu suffire à une défense ordinaire ; mais elles étaient découragées par cette humiliante réflexion, que tandis qu’elles étaient exposées toute l’année aux travaux et aux dangers d’une guerre continuelle, elles n’obtenaient qu’environ les deux tiers de la paye et des émolumens qu’on prodiguait aux troupes de la cour. Les bandes, les légions même qui jouissaient à peu près du même sort que ces indignes favoris, se trouvaient dégradées par le titre d’honneur qu’on accordait à ces derniers. Ce fut en vain que Constantin menaça des plus cruels châ-
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