Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/73

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nous pouvons employer une expression très-imparfaite, habituer les yeux des fidèles à la manière du grand artiste. Si de nos jours le peintre le plus habile de l’Italie avait l’audace de décorer ses faibles copies des noms de Raphaël ou du Corrège, cette fraude insolente serait bientôt découverte, et elle exciterait la plus vive indignation.

Usage des premiers miracles.

Quelque opinion que l’on puisse avoir des miracles de la primitive Église depuis le temps des apôtres, cette docilité de caractère que l’on remarque parmi les chrétiens du second et du troisième siècles, procura quelques avantages à la cause de la vérité et de la religion. Aujourd’hui, un scepticisme caché et même involontaire s’attache aux dispositions les plus religieuses. Le sentiment que l’on éprouve en admettant les vérités surnaturelles, est bien moins une croyance active qu’un acquiescement froid et passif. Accoutumés depuis long-temps à observer et à respecter l’ordre invariable de la nature, notre raison, ou du moins notre imagination, n’est pas suffisamment préparée à soutenir l’action visible de la Divinité. Mais à la naissance du christianisme le genre humain se trouvait dans une situation extrêmement différente. Les plus curieux, ou les plus crédules d’entre les païens, se déterminaient souvent à entrer dans une société qui se vantait de jouir du don des miracles. Les premiers chrétiens marchaient perpétuellement sur un terrain mystique, et leur esprit s’était formé à l’habitude de croire les événemens les plus extraordinaires. Ils sentaient, ou ils se figuraient