Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/85

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Un petit nombre, parmi lesquels nous pouvons compter le savant Origène, jugèrent plus prudent de désarmer le tentateur[1]. Quelques-uns se montraient insensibles, d’autres invincibles aux attaques de la chair. Dédaignant une fuite ignominieuse, les vierges nées sous le climat brûlant de l’Afrique ne craignaient pas de se mesurer avec l’ennemi, et de braver les plus grands dangers ; elles permettaient aux diacres et aux prêtres de partager leur lit ; et elles se glorifiaient d’une vertu qui échappait à tous les feux de l’impureté. Mais la nature insultée revendiquait souvent ses droits ; et cette nouvelle espèce de martyre ne servit qu’à introduire un nouveau scandale dans l’Église[2]. Parmi les chrétiens ascétiques (nom qu’ils tirèrent bientôt de ces pénibles exercices), plusieurs, moins présomptueux, obtinrent probablement plus de succès. L’orgueil spirituel suppléait aux plaisirs sensuels, et en compensait la perte. La multitude même des païens se trouvait disposée à apprécier le mérite du sacrifice par sa difficulté

  1. Eusèbe, l. VI, 8. Avant que la réputation d’Origène eût excité l’envie et la persécution, cette action extraordinaire fut plutôt admirée que blâmée. Comme c’était en général son usage d’allégoriser l’Écriture, il est malheureux que, dans cette occasion seulement, il ait pris le sens littéral.
  2. Saint Cyprien, let. 4, et Dodwell, dissert. Cyprianic., III. Long-temps après, on a imputé au fondateur de l’abbaye de Fontevrault, quelque chose de pareil à cette entreprise téméraire. Bayle amuse ses lecteurs sur ce sujet délicat.