Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 4.djvu/238

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que l’empereur ne refusât ou n’éludât une audience s’il la lui demandait, il tint son arrivée secrète ; et épiant le moment où Constantin, revenant d’une maison de campagne voisine, rentrait à cheval dans la ville, l’archevêque, au milieu de la principale rue de Constantinople, se présenta hardiment devant son souverain irrité. Surpris et indigné de cette étrange apparition, Constantin donna ordre à ses gardes d’éloigner l’importun ; mais un respect involontaire arrêta son ressentiment, et la hauteur du monarque se sentit subjuguée par le courage et l’éloquence d’un évêque qui réclamait sa justice et réveillait sa conscience[1]. Constantin écouta les plaintes d’Athanase avec une attention impartiale et même bienveillante : il fit sommer les juges de lui rendre compte de leurs procédés ; et les artifices de la faction d’Eusèbe auraient été confondus, si une adroite calomnie ne fût venue aggraver les charges portées contre le primat, en y ajoutant la supposition d’un crime impardonnable. On l’accusa du coupable projet de retenir à Alexandrie la flotte chargée de grains pour l’approvisionnement de Constantinople[2].

  1. Saint Athanase, t. I, p. 804. Dans une église dédiée à saint Athanase, le tableau de cette circonstance de sa vie aurait été plus intéressant que la plupart des miracles et des martyres.
  2. Saint Athanase, t. I, p. 729 ; Eunape (in vit. Sophist., p. 36-37, édit. Commelin) a raconté un singulier trait de la crédulité et de la cruauté de Constantin dans une circonstance semblable. L’éloquent Sopater, philosophe syrien,