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conquête. Ils employèrent trois jours et trois nuits à transporter leur armée sur le Rhin. Le féroce Chnodomar, agitant la pesante javeline dont il s’était victorieusement servi contre le frère de Magnence, conduisait l’avant-garde des Barbares, et modérait, par son expérience, l’ardeur martiale qu’il inspirait par son intrépidité[1]. Il était suivi de six autres rois, de dix princes d’extraction royale, d’une nombreuse troupe de vaillante noblesse, et de trente-cinq mille des plus braves soldats de la Germanie. La confiance qu’ils avaient en leurs propres forces, fut augmentée par la trahison d’un déserteur, qui déclara que le César occupait, avec une faible armée de treize mille hommes, un poste environ à vingt-un milles de leur camp de Strasbourg. Avec ces forces inférieures, Julien résolut de chercher et d’attaquer les Barbares. Le hasard d’une action générale lui parut préférable à l’incertitude fatigante d’une multitude de combats séparés, avec les différens corps de l’armée allemande. Les Romains marchèrent serrés sur deux colonnes, la cavalerie à droite, et l’infanterie à gauche. Le jour était si avancé quand ils aperçurent

  1. Ammien (XVI, 12) décrit avec son éloquence ampoulée la figure et le caractère de Chnodomar. Audax et fidens ingenti robore lacertorum, ubi ardor prœlii sperabatur immanis, equo spumante, sublimior, erectus in jaculum formidandæ vastitatis, armorumque nitore conspicuus : antea strenuus et miles et utilis præter cæteros ductor… Decentium Cæsarem superavit æquo marte congressus.