Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/335

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mêlée, il s’éleva du côté de l’orient une de ces tempêtes dont les Alpes sont fréquemment tourmentées[1]. L’armée de Théodose était garantie, par sa position, de l’impétuosité du vent, qui soufflait un nuage de poussière dans le visage de l’ennemi, rompait ses rangs, arrachait les épées des mains des soldats, et repoussait contre eux leurs inutiles javelots. L’empereur sut profiter habilement de l’avantage que lui offrait la fortune. La superstition augmenta la terreur des Gaulois ; et ils cédèrent sans honte aux puissances invisibles qui semblaient combattre pour leurs pieux ennemis. La victoire de l’empereur fut décisive, et la mort de ses deux rivaux fut conforme à leurs différens caractères ; le rhétoricien Eugène, qui s’était presque vu maître du monde, fut réduit à implorer la clémence du vainqueur, et tandis qu’il était prosterné aux pieds de Théodose, les impitoyables soldats lui abattirent la tête. Arbogaste, après la perte de la bataille, où il s’était acquitté des devoirs d’un général

  1. Te propter, gelidis Aquilo de monte procellis
    Obruit adversas acies ; revolutaque tela
    Vertit in auctores, et turbine repulit hastas.
    O nimium dilecte Deo, cui fundit ab antris
    Æolus armatas hyemes ; cui militât Æther.
    Et conjurati veniunt ad classica venti !

    Ces fameux vers de Claudien (in III consul. Honor., 93, etc., A. D. 396) sont cités par ses contemporains, saint Augustin et Orose, qui suppriment la divinité païenne d’Éole, et d’après des témoins oculaires ajoutent quelques circonstances. Quatre mois après cette victoire, saint Ambroise la compara aux victoires miraculeuses de Moïse et de Josué.