Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/402

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ployés pour attirer dans ses mains les richesses de l’Orient ; il vendait publiquement la justice et la faveur dans le palais de Constantinople. L’ambitieux candidat marchandait avec avidité, aux dépens de la meilleure partie de son patrimoine, les honneurs lucratifs d’un gouvernement de province ; la vie et la fortune des malheureux habitans étaient abandonnées au dernier enchérisseur. Pour apaiser les cris du public, on sacrifiait de temps en temps quelque odieux coupable dont le châtiment n’était profitable qu’au préfet, qui devenait son juge après avoir été son complice. Si l’avarice n’était pas la plus aveugle des passions, les motifs de Rufin pourraient exciter notre curiosité ; nous serions peut-être tentés d’examiner dans quelles vues il sacrifiait tous les principes de l’honneur et de l’humanité à l’acquisition d’immenses trésors qu’il ne pouvait ni dépenser sans extravagance, ni conserver sans danger. Peut-être se flattait-il orgueilleusement de travailler pour sa fille unique, de la marier à son auguste pupille, et d’en faire l’impératrice de l’Orient. Il est possible que, trompé par de faux calculs, il ne vît dans son avarice que l’instrument de son ambition, et qu’il eût l’intention de placer sa fortune sur une base solide, indépendante du caprice d’un jeune empereur. Cependant il négligeait maladroitement de se concilier l’amour du peuple et des soldats, en leur distribuant une partie des richesses qu’il amassait à force de crimes et de travaux. L’extrême parcimonie