Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/424

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

rebelle. Leur suffrage unanime le déclara ennemi de la république, et le décret du sénat consacra, par une sanction légitime, les armes des Romains[1]. Un peuple qui se souvenait encore que ses ancêtres avaient été les maîtres du monde, aurait sans doute applaudi avec un sentiment d’orgueil à cette représentation de ses anciens priviléges, s’il n’eût pas été accoutumé depuis long-temps à préférer une subsistance assurée à des visions passagères de grandeur et de liberté ; cette subsistance dépendait des moissons de l’Afrique, et il était évident que le signal de la guerre serait aussi celui de la famine. Le préfet Symmaque, qui présidait aux délibérations du sénat, fit observer au ministre qu’aussitôt que le More vindicatif aurait défendu l’exportation des grains, la tranquillité et peut-être la sûreté de la capitale seraient menacées des fureurs d’une multitude turbulente et affamée[2]. La prudence de Stilichon conçut et exécuta sans délai le moyen le plus propre à tranquilliser le peuple de Rome. Il fit acheter, dans les provinces intérieures de la Gaule, une grande quantité de grains, auxquels on fit descendre le cours rapide du Rhône, et une navigation facile les conduisit du Rhône dans le Tibre. Durant toute la

  1. Symmaque (l. IV, epist. 4) décrit les formes judiciaires du sénat ; et Claudien (I cons. Stilich., l. I, 325, etc.) semble être animé de l’esprit d’un Romain.
  2. Claudien emploie éloquemment les plaintes de Symmaque dans un discours de la divinité tutélaire de Rome, devant le trône de Jupiter. (De bell. Gildon., 28-128.)