Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/475

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et les mœurs du peuple vaincu, fondèrent une dynastie impériale qui régna près de cent soixante ans sur les provinces septentrionales de cette monarchie. Quelques générations avant qu’ils se fussent emparés du trône de la Chine, un des princes Topa avait enrôlé dans sa cavalerie un esclave nommé Moko, renommé par sa valeur, mais qui, pour éviter quelque punition, déserta ses drapeaux et s’enfonça dans le désert, suivi d’une centaine de ses compagnons. Cette troupe de brigands et de proscrits, journellement recrutée par d’autres, forma d’abord un camp, ensuite une tribu, et enfin un peuple nombreux connu sous le nom de Geougen ; et leurs chefs héréditaires, descendans de l’esclave Moko, prirent rang parmi les monarques de la Scythie. La jeunesse de Toulun, le plus célèbre de ses successeurs, fut formée à l’école de l’adversité, qui est celle des héros. Il sut résister courageusement à l’infortune, détruisit la puissance orgueilleuse des Topa, devint le législateur de sa nation, et le conquérant de la Tartarie. Ses troupes étaient distribuées en bandes de cent et de mille guerriers. Les lâches périssaient par le supplice de la lapidation, et la valeur obtenait pour récompense les honneurs les plus magnifiques. Toulun, assez éclairé pour mépriser l’érudition chinoise, n’adopta que les arts et les institutions favorables à l’esprit militaire de son gouvernement. Il campait durant l’été dans les plaines fertiles qui bordent le Sélinga, et se retirait à l’approche de l’hiver dans des contrées plus méridionales. Ses conquêtes s’étendaient depuis la