Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/81

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sans cesse, durant le cours de leurs longues et lentes navigations, et les annales maritimes des Saxons devaient se remplir du récit des pertes annuelles qu’ils éprouvaient sur les côtes de la Gaule et de la Bretagne ; mais ces pirates intrépides bravaient également les périls de la mer et ceux qui les attendaient sur le rivage. L’habitude des entreprises éclaira leur intelligence ; les derniers de leurs matelots savaient manier une rame, hisser une voile et conduire un vaisseau, et les Saxons se réjouissaient à l’approche d’une tempête qui cachait leur expédition et dispersait les flottes de leurs ennemis[1]. Quand ils eurent acquis une connaissance exacte des provinces maritimes de l’Occident, ils étendirent la scène de leurs brigandages, et les pays les plus enfoncés dans les terres ne durent plus se croire en sûreté contre leurs invasions. Leurs bateaux tiraient si peu d’eau, qu’ils s’avançaient aisément à quatre-vingts et à cent milles dans les grandes rivières : ils étaient si légers, qu’on les transportait sur des chariots d’une rivière à une autre : et les pirates qui entraient par l’embouchure de la Seine ou du Rhin, pouvaient descendre sur le cours rapide du Rhône jusque dans la mer

  1. Les meilleurs récits originaux, relativement aux pirates saxons, se trouvent dans Sidonius Apollinar. (l. VIII, épît. 6, p. 223, édit. de Sirmond) ; et le meilleur commentaire est celui de l’abbé Dubos (Hist. critique de la monarchie française, etc., tom. I, l. I, c. 16, p. 148-155 ; voyez aussi p. 77, 78).