Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/284

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distillée[1]. Ces vivres devaient paraître bien grossiers à des hommes accoutumés au luxe de Constantinople ; mais ils furent secourus dans leurs souffrances passagères par la bienveillance et l’hospitalité de ces mêmes Barbares si terribles et si impitoyables les armes à la main. Les ambassadeurs étaient campés sur les bords d’un vaste marais ; un ouragan, accompagné de tonnerre et de pluie, renversa leurs tentes, inonda leur bagage, l’entraîna dans le marais, et dispersa leur suite dans l’obscurité de la nuit. Ils étaient incertains de la route, et redoutaient quelque danger inconnu ; mais ayant réveillé par leurs cris les habitans d’un village voisin qui appartenait à la veuve de Bleda, ceux-ci accoururent avec des torches ; en peu de momens, par leurs soins bienveillans, un feu de roseaux vint ranimer les voyageurs ; on pourvut libéralement à tous les besoins des Romains, et même à tout ce qui pouvait flatter leurs désirs, et ils parurent un peu embarrassés de la singulière politesse de la veuve de Bleda, qui joignit à ses autres attentions celle de leur envoyer un nombre suffisant de filles belles et complaisantes. Ils s’occupèrent,

  1. Les Huns continuaient à mépriser les travaux de l’agriculture ; ils abusaient des priviléges des nations victorieuses ; et les Goths, leurs sujets industrieux, qui cultivaient la terre, redoutaient leur voisinage comme celui d’animaux féroces et voraces. (Priscus, p. 45.) C’est ainsi que les Sartes et les Tadgics travaillent pour leur subsistance et celle des Tartares Usbeks, leurs avides et paresseux souverains. Voy. l’Hist. généal. des Tartares, p. 423-455, etc.