Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/143

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stant ; ils transportèrent ensuite leur monarque à sept milles du théâtre de son malheur ; et du moins la présence de l’ennemi n’ajouta pas à l’amertume de ses derniers momens. La compassion lui accorda une humble sépulture, mais les Romains ne furent satisfaits de leur victoire qu’après avoir retrouvé son corps ; et les députés que Narsès envoya à Constantinople pour annoncer son triomphe, offrirent à Justinien son chapeau garni de pierreries, et sa robe ensanglantée[1].

Narsès s’empare de Rome.

Narsès, après avoir remercié Dieu et la sainte Vierge sa patrone, combla les Lombards d’éloges et de récompenses, et les renvoya[2]. Ces valeureux sauvages avaient réduit les bourgades en cendres ; ils avaient violé les matrones et les vierges sur les autels, et un gros détachement de troupes régulières surveilla leur retraite, afin qu’ils ne se livrassent pas à de pareils désordres. L’eunuque victorieux traversa la Toscane, reçut la soumission des Goths, entendit les acclamations et souvent les plaintes des Italiens, et investit Rome avec le reste de sa redoutable armée. Il marqua autour de sa vaste enceinte les divers postes que lui-même et ses lieutenans devaient inquiéter par des attaques réelles ou simulées, tandis qu’il observait en silence un endroit mal gardé et

  1. Théophane, Chron., p. 193 ; Hist. Miscella, l. XVI, p. 108.
  2. Evagrius, l. IV, c. 24. Paul Diacre (l. II, c. 3 p. 776) nous apprend que le choix du jour de la bataille et le mot d’ordre avaient été inspirés à Narsès par la sainte Vierge.