Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/147

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portait dans sa main droite une lance, et à la gauche un large bouclier ; de l’une il renversa les premiers assaillans, et para de l’autre les coups que chacun s’empressait de lui porter. Après un combat de plusieurs heures, il sentit son bras gauche fatigué du poids de douze javelines attachées à son bouclier : sans changer de place et sans interrompre ses coups, le héros ordonna à haute voix aux gens de sa suite de lui en apporter un autre ; mais au moment où il se découvrit le flanc, un dard le perça d’un coup mortel. Il tomba, et sa tête élevée sur une pique, annonça aux nations que le royaume des Goths n’existait plus ; mais l’exemple de sa mort ne servit qu’à animer ses compagnons, qui avaient juré de périr avec leur chef. Après avoir combattu jusqu’aux derniers rayons du jour, ils passèrent la nuit sous les armes. Le combat recommença au retour de la lumière, et se soutint jusqu’au soir avec la même vigueur. Les réflexions de la seconde nuit, le besoin d’eau et la perte de leurs plus braves guerriers, déterminèrent ce qui restait de Goths à souscrire à l’honorable capitulation que la prudence engageait Narsès à leur proposer. On leur permit de résider en Italie, comme sujets et soldats de Justinien, ou de se retirer dans un pays indépendant[1], avec une

  1. Du Buat (t. XI, p. 2, etc.) fait passer le reste de la nation des Goths dans la Bavière, son pays favori ; d’autres écrivains l’enterrent dans les montagnes d’Uri, ou le renvoient dans l’île de Gothland, leur première patrie (Mascou, Annot. 21).