Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/153

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armée sur les bords du lac Bénacus, entre Trente et Vérone. Les bannières de Narsès s’approchèrent bientôt du Vulturne, et l’Italie en suspens attendit avec anxiété l’événement du combat qui devait décider de son sort. C’est peut-être dans ces opérations tranquilles qui précédèrent la bataille que les talens de Narsès se montrèrent avec le plus d’éclat. Ses habiles mouvemens interceptèrent les subsistances du Barbare ; il le priva de l’avantage que devaient lui donner le pont et la rivière, et il se rendit maître du choix du terrain et du moment de l’action. Le matin du jour de la bataille, lorsque les rangs étaient déjà formés, un des chefs des Hérules tua un de ses domestiques pour une légère faute. Narsès, excité par un sentiment de justice, ou entraîné par la colère, manda le coupable, et sans écouter sa justification le fit exécuter sur-le-champ devant lui. Quand cet Hérule aurait violé les lois de sa nation, cette exécution arbitraire n’en aurait pas moins été aussi injuste qu’elle paraissait imprudente. Les Hérules, remplis d’indignation, s’arrêtèrent. Le général romain, sans chercher à apaiser leur fureur ou sans attendre leur résolution, s’écria, au milieu du bruit des trompettes, que s’ils ne se hâtaient point de gagner leur poste, ils perdraient les honneurs de la victoire. Ses troupes présentaient un front très-prolongé[1]. Sa cavalerie se trouvait aux ailes ; l’infan-

  1. Le père Daniel (Hist. de la Milice franç., l. I, p. 17-21) a fait une description imaginaire de cette bataille, un peu à la manière du chevalier Folard, le jadis célèbre éditeur