Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/163

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devint inutile. Les Bulgares soutinrent l’action si peu de temps, qu’ils ne perdirent que quatre cents chevaux ; mais Constantinople fut sauvée : Zabergan, qui sentait la main d’un maître, se retira à une distance respectueuse ; mais il avait un grand nombre d’amis dans le conseil de l’empereur, et Bélisaire obéit avec répugnance aux ordres de l’envie et de Justinien, qui ne lui permirent pas d’achever la délivrance de son pays. Lorsqu’il rentra dans Constantinople, les habitans, encore pénétrés du danger qu’ils venaient de courir, le reçurent avec des acclamations de joie et de reconnaissance dont on lui fit un crime ; mais lorsqu’il entra au palais, les courtisans se turent ; et l’empereur, après l’avoir embrassé froidement et sans le remercier, le renvoya se confondre dans la foule des esclaves. Sa gloire avait cependant produit une telle impression, qu’on détermina Justinien, alors âgé de soixante et dix-sept ans, à se porter à près de quarante milles de la capitale pour inspecter en personne les réparations de la longue muraille. Les Bulgares perdirent l’été dans les plaines de la Thrace ; mais le peu de succès de leurs téméraires entreprises sur la Grèce et la Chersonèse les disposa bientôt à la paix. Leur menace de tuer les prisonniers hâta le payement des fortes rançons qu’ils en exigeaient. Le bruit répandu que l’on construisait sur le Danube des navires à deux proues, destinés à leur couper le passage, engagea Zabergan à presser le moment de son départ. Le péril fut bientôt oublié, et les oisifs de la ville s’amusèrent vaine-