Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/166

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Pressé par les remords, ou séduit par l’espoir de conserver ses jours, il accusa deux officiers de la maison de Bélisaire, et la torture les porta à déclarer qu’ils avaient agi d’après les secrètes instructions de leur maître[1]. La postérité ne croira pas légèrement qu’un héros qui, dans la vigueur de l’âge, avait dédaigné les offres les plus propres à favoriser son ambition et sa vengeance, ait songé à conspirer le meurtre d’un prince auquel il ne pouvait long-temps survivre. [A. D. 563. Dec. 5.]Les gens de sa suite s’enfuirent à la hâte ; mais quant à lui, il n’avait de moyen de fuite que la rebellion, et il avait assez vécu pour la nature et pour sa gloire. Il parut devant le conseil avec moins de frayeur que d’indignation. Après quarante années de service, il avait d’avance été jugé coupable, et cette injustice fut consacrée par la présence et l’autorité du patriarche. On eut la bonté de lui laisser la vie ; mais on séquestra ses biens ; et, du mois de décembre au mois de juillet, on le retint prisonnier dans son palais. [A. D. 564. 19 juillet.]Son innocence fut enfin reconnue ; on le remit en liberté, on lui rendit ses honneurs, et [A. D. 565. 13 mars.]huit mois après, la mort termina des jours probablement abrégés par la douleur et le ressentiment. Le nom de Bélisaire ne périra jamais ; mais au lieu des funérailles, des monumens et des statues qu’on lui devait à si juste titre, je trouve dans les historiens que l’empereur confisqua sur-le-champ ses trésors, dépouilles des

  1. Alemannus (p. 3) cite un vieux manuscrit de Byzance, qui a été inséré dans l’Imperium orientale de Banduri.