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Goths et des Vandales. On assura toutefois à sa femme une existence honorable, et Antonina, qui sentait probablement qu’elle avait beaucoup à expier, consacra à la fondation d’un couvent les restes de sa vie et de sa fortune. Tel est le récit simple et véritable de la disgrâce de Bélisaire et de l’ingratitude de Justinien[1]. On nous l’a représenté privé des yeux et réduit à mendier son pain[2] en ces mots : « Donnez

  1. Le récit original et authentique de ce qui a rapport à la disgrâce et au rétablissement de Bélisaire, se trouve dans le Fragment de Jean Malala (tom. II, p. 234-243), et dans la Chronique très-exacte de Théophane (p. 194-204) ; Cedrenus (Compend., p. 387, 388) et Zonare (t. II, l. XIV, p. 69) semblent hésiter entre la vérité qui vieillissait, et la fiction qui prenait de la consistance.
  2. On peut attribuer l’origine de cette fable frivole à un ouvrage de mélanges du douzième siècle, les Chiliades, du moine Jean Tzetzès (Bâle, 1546, ad calcem Lycophront. Colon. Allobrog. 1614, in Corp. poèt. græc.). Il rapporte en dix vers populaires ou politiques, l’histoire de Bélisaire aveugle et mendiant. (Chiliad. III, nos 88, 339-348, in Corp. poèt. græc., t. II, p. 31.)

    Εκπωμα ξυλινον κρατων εβοα τω μιλιω
    Βελισαριω οβολον δοτε τω στρατηλατη
    Ον τυχη μεν εδοξασεν, αποτυφλοι δ’ο φθονος.

    Ce conte moral ou romanesque s’introduisit en Italie avec la langue et les manuscrits de la Grèce ; il fut répété avant la fin du quinzième siècle par Crinitus, Pontanus et Volaterranus, attaqué par Alciat pour l’honneur du prince qui avait établi la jurisprudence qu’on suivait alors, et défendu par Baronius (A. D. 561, no 2, etc.) pour l’honneur de l’Église. Au reste, Tzetzès lui-même avait lu dans d’autres