Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/299

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trie[1]. La coutume barbare de paraître en public armé au milieu de la paix[2], et les sanguinaires maximes de l’honneur étaient étrangères aux Romains : durant les deux siècles les plus vertueux de la république, depuis l’époque où la liberté fut égale pour tous les citoyens, jusqu’à la fin des guerres puniques, la sédition ne troubla jamais la ville, et des crimes atroces la souillèrent rarement. Lorsque les factions intérieures et l’ivresse de la puissance eurent enflammé tous les vices, on sentit davantage les suites funestes de la désuétude des lois criminelles. Du temps de Cicéron, chaque citoyen jouissait du privilége de l’anarchie : les vues de chacun des magistrats de la république pouvaient s’élever jusqu’au pouvoir des rois ; et leurs vertus méritent d’autant plus d’éloges, qu’il faut les attribuer uniquement à la nature et à la philosophie. Le tyran de la Sicile, Verrès, après s’être livré durant trois ans à la rapine, à la cruauté, à la débauche, fut traduit en justice ; mais on ne put lui demander que la restitution de trois cent

  1. Tite-Live (II, 8) et Plutarque (in Publicolâ, t. 1, p. 187) remarquent cette loi : elle justifie complétement l’opinion publique sur la mort de César, opinion que Suétone ne craignait pas de publier sous le gouvernement des empereurs. Jure cæsus existimatur, dit-il, in Julio, c. 76. Lisez de plus les Lettres que s’écrivirent Cicéron et Mutius, peu de mois après les Ides de Mars (ad Fam., XI, 27, 28).
  2. Πρωτοι δε Αθηναιοι τον τε σιδηρον κατεθεντο. (Thucydide, l. I, c. 6.) L’historien qui tire de cette circonstance un moyen de juger l’état de la civilisation, dédaignerait la barbarie d’une cour de l’Europe.