Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/308

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punis par la perte de la main. Dans cet affreux état de douleur et de honte, deux évêques, Isaïe de Rhodes et Alexandre de Diospolis, furent traînés au milieu des rues de Constantinople, tandis qu’un héraut avertissait les ecclésiastiques de profiter de cette terrible leçon, et de ne pas souiller la sainteté de leur ministère : ces prélats étaient peut-être innocens. On condamnait à la mort ou à l’infamie, sur la déposition d’un seul témoin, quelquefois d’un enfant, quelquefois d’un esclave. Les juges présumaient coupables les citoyens de la faction des Verts, les riches et les ennemis de Théodora, et la pédérastie devint le crime de ceux à qui on ne pouvait en imputer un autre. Un philosophe français[1] a osé remarquer qu’il reste de l’incertitude sur tout ce qui est secret, et que la tyrannie peut abuser de l’horreur même qu’inspire le vice : mais il ajoute qu’on doit avoir confiance dans le goût et la raison des hommes, que la nature saura défendre ses droits ou les reprendre ; et malheureusement son assertion est contredite par ce qu’on sait de l’antiquité et de l’étendue du mal[2].

  1. Montesquieu, Esprit des Lois, l. XII, c. 6. Ce philosophe, si recommandable par son génie, concilie les droits de la liberté et de la nature, qui ne devraient jamais être opposés.
  2. Voyez sur la corruption de la Palestine, vingt siècles avant l’ère chrétienne, l’Histoire et les Lois de Moïse. Diodore de Sicile (t. 1, l. V, p. 356) reproche ce vice aux anciens Gaulois : les voyageurs musulmans ou chrétiens l’imputent à la Chine. (Ancien. Relat. de l’Inde et de la Chine, p. 34, traduites par le père Renaudot et son amer critique,