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au nom de César qu’à celui de Grégoire-le-Grand. Au lieu de six légions, quarante moines s’embarquèrent pour cette île, et on le vit regretter que ses austères devoirs ne lui permissent pas de partager les dangers de la guerre spirituelle qu’ils allaient entreprendre. En moins de deux ans, il annonça à l’évêque d’Alexandrie que ses missionnaires avaient baptisé le roi de Kent et dix mille Anglo-Saxons, et cela, ainsi que la primitive Église, sans autre secours que celui des armes spirituelles et surnaturelles. La crédulité ou la prudence de Grégoire était toujours disposée à confirmer la vérité de la religion par des apparitions, des miracles et des résurrections[1] ; et la postérité a payé à sa mémoire le tribut qu’il accordait facilement à la vertu de ses contemporains, ou à celle des générations qui l’avaient précédé. Les papes ont libéralement distribué les honneurs du ciel ; mais Grégoire est le dernier pontife de Rome qu’ils aient osé inscrire sur le calendrier des saints.

Son gouvernement temporel.

Le malheur des temps augmenta peu à peu le pouvoir temporel des papes ; et les évêques de Rome qui, depuis saint Grégoire, ont inondé de sang l’Europe et l’Asie, étaient alors réduits à exercer leur pouvoir en qualité de ministres de paix et de charité.

  1. Un critique français (P. Gussainv., Op., t. II, p. 105-112) a prouvé que saint Grégoire pouvait réclamer comme sienne toute l’absurdité des Dialogues. Dupin (t. V, p. 138) ne pense pas que personne veuille garantir la vérité de tous ces miracles ; je serais curieux de savoir combien il en adoptait.