Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/411

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l’oreille du chagan, alors, dans un accès de fureur réelle ou simulée, il insultait les ambassadeurs et leur maître ; il faisait piller leurs bagages, et ils ne pouvaient même racheter leur vie que par la promesse qu’ils faisaient d’apporter de plus riches présens et de s’exprimer d’un ton plus respectueux. En même temps ses ambassadeurs, toujours respectés, abusaient jusqu’à la licence de la liberté illimitée dont on les laissait jouir au milieu de Constantinople. Leurs importunes clameurs ne cessaient de demander un accroissement de tributs ou des restitutions de captifs et de déserteurs ; et la majesté de l’empire était presque également avilie par une basse condescendance ou par les fausses et timides excuses au moyen desquelles on éludait leurs insolentes demandes. Le chagan n’avait jamais vu d’éléphant, et les récits singuliers, peut-être fabuleux, qu’on lui faisait sur cet étonnant animal, avaient excité sa curiosité. D’après ses ordres on équipa richement un des plus gros éléphans des écuries impériales, et une suite nombreuse le conduisit au village situé au milieu des plaines de la Hongrie, qu’habitait le chef des Barbares. Celui-ci vit l’énorme quadrupède avec étonnement, avec dégoût, peut-être avec frayeur ; et il sourit de la frivole industrie des Romains, qui allaient aux extrémités de la terre et de l’océan chercher ces inutiles raretés. Il voulut se coucher dans un lit d’or aux dépens de l’empereur. Sur-le-champ l’or de Constantinople et l’habileté de ses artistes furent employés à satisfaire sa fantaisie ; et lorsque le lit fut