Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/418

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

esprit fut troublé par la mort d’un cheval qu’il aimait beaucoup, par la rencontre d’un sanglier, par un orage suivi d’une pluie abondante, enfin par la naissance d’un enfant monstrueux, et il oublia que le meilleur de tous les présages est de s’armer pour son pays[1]. Il revint à Constantinople sous prétexte de recevoir les ambassadeurs de la Perse : des idées de dévotion remplacèrent ses idées de guerre ; son retour et le choix de ses lieutenans trompèrent l’espoir de l’empire. L’aveugle prévention de l’amour fraternel peut l’excuser d’avoir donné un commandement à son frère Pierre, qu’on vit fuir également devant les Barbares, devant ses propres soldats et devant les habitans d’une ville romaine. Cette ville, si nous en croyons la ressemblance du nom et celle du caractère des habitans, était la célèbre Azimuntium[2], qui seule avait repoussé l’impétueux Attila. Le courage que fit paraître alors la brave jeunesse d’Azimuntium se communiqua aux générations suivantes, et l’un des deux Justin avait accordé aux habitans de cette

  1. Εις οιωνος αριστος αμυνεσ‌τδαι περι πατρης.

        Iliade, XII, 243.

    Ce beau vers, où l’on retrouve le courage d’un héros et la raison d’un sage, prouve bien qu’Homère était à tous égards supérieur à son siècle et à son pays.

  2. Théophylacte, l. VII, c. 3. D’après ce fait, qui ne s’était pas présenté à ma mémoire, le lecteur voudra bien excuser et corriger la note trente-six du chapitre XXXIV, où j’ai raconté trop tôt la ruine d’Azimus ou Azimuntium. Ce n’est pas payer trop cher que d’acheter par un tel aveu un siècle de plus de valeur et de patriotisme.