Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/430

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cils qui n’étaient séparés par aucun intervalle, ses cheveux roux, son menton sans barbe, et une de ses joues que défigurait et décolorait une large cicatrice. Ne connaissant ni les lettres, ni les lois, ni même le métier des armes, il ne voyait dans le rang suprême qu’un moyen de se livrer davantage à la débauche et à l’ivrognerie ; chacun de ses plaisirs brutaux était une insulte pour ses sujets ou un trait d’ignominie pour lui-même : il renonça aux fonctions de soldat sans remplir celles de prince ; et son règne accabla l’Europe d’une paix honteuse, et l’Asie de tous les ravages de la guerre. Des mouvemens de colère enflammaient son caractère sauvage, qu’endurcissait la crainte et qu’aigrissait la résistance ou le reproche. Ses émissaires, soit par la rapidité de leur poursuite, soit par quelque message trompeur, arrêtèrent Théodose qui allait chercher de l’assistance à la cour de Perse : le jeune prince fut décapité à Nicée : les consolations de la religion et le sentiment de son innocence adoucirent ses derniers instans ; mais son fantôme troubla le repos de l’usurpateur ; on répandit le bruit que le fils de Maurice vivait encore ; le peuple attendait son vengeur, et la veuve et les filles du dernier empereur auraient adopté le dernier des hommes pour leur fils et pour leur frère. Lors du massacre de la famille de Maurice[1], Phocas avait épargné ces malheureuses fem-

  1. Ducange (Fam. byzant., p. 106, 107, 108) donne des détails sur la famille de Maurice ; Théodose, son fils aîné, avait été couronné empereur à l’âge de quatre ans et demi,