Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/45

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des milliers d’hommes à la réputation ou au plaisir d’un seul. On qualifierait aujourd’hui de tyrannie l’administration domestique du juste Nushirwan. Ses deux frères aînés avaient été privés de leurs droits à la couronne : placés depuis cette époque entre le rang suprême et la condition de sujets, ils craignaient pour leur vie et étaient redoutés de leur maître. La frayeur ainsi que la vengeance pouvaient les porter à la rebellion : on les accusa d’une conspiration ; l’auteur de leurs maux se contenta de la preuve la plus légère, et Chosroès assura son repos en ordonnant la mort de ces deux princes malheureux, de leurs familles et de leurs adhérens. Un vieux général, touché de compassion, sauva et renvoya un jeune innocent ; et cet acte d’humanité, révélé par son fils, lui fit perdre le mérite d’avoir soumis douze nations à la Perse. Le zèle et la prudence de Mébodes avaient affermi le diadème sur la tête de Chosroès ; mais ayant un jour tardé d’obéir aux ordres du roi jusqu’à ce qu’il eût achevé une revue dont il était occupé, on lui ordonna tout de suite de se rendre au trépied de fer placé devant la porte du palais[1] : on était puni de mort lorsqu’on soulageait ou qu’on approchait la victime qui s’y trouvait. L’orgueil inflexible et la froide ingratitude du fils de Kobad se plurent à y laisser languir plusieurs jours Mébodes

  1. Procope, Persic., l. I, c. 23 ; Brisson, De regn. Pers., p. 494. C’est à la porte du palais d’Ispahan qu’on envoie ou qu’on envoyait les hommes disgraciés ou condamnés à la mort. (Chardin, Voyage en Perse, t. IV, p. 312, 313).