Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/59

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la majesté du grand roi. Ses innombrables troupes escaladèrent les murs sous ses yeux ; les mercenaires romains s’enfuirent par la porte opposée, dite de Daphné ; et la noble résistance des jeunes citoyens d’Antioche ne servit qu’à aggraver les malheurs de leur patrie. Chosroès descendit de la montagne voisine avec les ambassadeurs de Justinien, qui ne l’avaient pas encore quitté : il affecta de déplorer d’une voix plaintive l’obstination et la ruine de cette peuplade malheureuse ; mais le massacre continuait, et il ordonna de brûler la ville. S’il épargna la cathédrale, ce fut par avarice et non par esprit de piété : il sauva par une exemption plus honorable l’église de Saint-Julien et le quartier qu’habitaient les ambassadeurs : le vent qui changea préserva aussi quelques rues éloignées ; et les murs qu’on laissa dans leur entier servirent encore d’asile aux habitans, et attirèrent bientôt sur eux de nouveaux malheurs. Le fanatisme avait détruit les ornemens du bosquet de Daphné ; mais Chosroès respira un air plus pur au milieu de ses ombrages et au bord de ses fontaines ; et quelques idolâtres qu’il menait à sa suite, se permirent impunément des sacrifices aux nymphes de cette agréable retraite. L’Oronte tombe dans la Méditerranée, à dix-huit milles au-dessous d’Antioche. L’orgueilleux monarque alla contempler le terme de ses conquêtes ; et après s’être baigné seul dans la mer, il offrit un sacrifice d’actions de grâces au soleil, ou plutôt au créateur du soleil adoré par les mages. Si cet acte de superstition blessa les préjugés des