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L'IMMORALISTE

portante encore peut-être, c’est que j’étais d’une santé très délicate. Comment l’eussé-je su, ne l’ayant pas mise à l’épreuve ? J’avais des rhumes de temps à autre, et les soignais négligemment. La vie trop calme que je menais m’affaiblissait et me préservait à la fois. Marceline, au contraire, semblait robuste, — et qu’elle le fût plus que moi, c’est ce que nous devions bientôt savoir.


Le soir même de nos noces nous couchions dans mon appartement de Paris, où l’on nous avait préparé deux chambres. Nous ne restâmes à Paris que le temps qu’il fallut pour d’indispensables emplettes, puis gagnâmes Marseille, d’où nous nous embarquâmes aussitôt pour Tunis.

Les soins urgents, l’étourdissement des derniers événements trop rapides, l’indispensable émotion des noces venant sitôt après celle plus réelle de mon deuil, tout cela m’avait épuisé. Ce ne fut que sur le bateau que je pus sentir ma fatigue. Jus-