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Page:Gide - La Symphonie pastorale.pdf/126

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Et après un moment de silence, elle reprit, la tête baissée :

— Ma tante Amélie sait cela ; et moi je sais que cela la rend triste.

— Elle serait triste sans cela, protestai-je d’une voix mal assurée. Il est de son tempérament d’être triste.

— Oh ! vous cherchez toujours à me rassurer, dit-elle avec une sorte d’impatience. Mais je ne tiens pas à être rassurée. Il y a bien des choses, je le sais, que vous ne me faites pas connaître, par peur de m’inquiéter ou de me faire de la peine ; bien des choses que je ne sais pas, de sorte que parfois…

Sa voix devenait de plus en plus basse ; elle s’arrêta comme à bout de souffle. Et comme, reprenant ses derniers mots, je demandais :

— Que parfois ?…

— De sorte que parfois, reprit-elle tristement, tout le bonheur que je vous dois me paraît reposer sur de l’ignorance.