Page:Gide - Le Voyage d’Urien, Paludes.djvu/152

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Et quand il fut assis :

« J'ai lu dans Virgile deux vers :

Et tibi magna satis quamvis lapis omnia nudus
Limosoque palus obducat pascua junco.

« Je traduis : - c'est un berger qui parle à un autre ; il lui dit que son champ est plein de pierres et de marécages sans doute, mais assez bon pour lui; et qu'il est très heureux de s'en satisfaire. - Quand on ne peut pas changer de champ, nulle pensée ne saurait être plus sage, diras-tu ?... » Hubert ne dit rien. Je repris : « Paludes c'est spécialement l'histoire de qui ne peut pas voyager; - dans Virgile il s'appelle Tityre; - Paludes, c'est l'histoire d'un homme qui, possédant le champ de Tityre, ne s'efforce pas d'en sortir, mais au contraire s'en contente; voilà... Je raconte : - Le premier jour, il constate qu'il s'en contente, et songe à qu'y faire? Le second jour, un voilier passant, il tue au matin quatre macreuses ou sarcelles et vers le soir en mange deux qu'il a fait cuire sur un maigre feu de broussailles. Le troisième jour, il se distrait à se construire une hutte de grands