Page:Gide - Le Voyage d’Urien, Paludes.djvu/30

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ils jetèrent à la mer les balles de pourpre ; c’était la marchandise triviale ; ― la vague les amenait le long des digues et des hommes penchés les guidaient vers les escaliers avec des perches. ― Des Antilles étaient venus les bois rares, des oiseaux diaprés et des coquilles où le bruit des flots sur ces plages heureuses chantait. On se les disputait aux enchères ; les bazars s’encombraient de cages ; certains oiseaux, plus délicats, étaient lâchés dans des volières ; on payait pour entrer ; tous chantaient ― et des marchands faisaient la foire. Des baraques improvisées montraient des jongleurs et des mimes. Sur une estrade, des baladins à cabrioles se jetaient des poignards et des flammes.

Plus loin étaient les glacières de la ville qu’alimentaient les vaisseaux de Norvège revenus chargés de frimas. Des caves s’étendaient à de grandes profondeurs, mais elles étaient toutes remplies et ce navire déchargeait son faix sur le port. Une montagne s’élevait, verte, diaphane et enveloppée de fraîcheur ; des marins assoiffés y venaient goûter l’ombre, appliquant sur la paroi mouillée leurs