Page:Gide - Les Nourritures terrestres.djvu/177

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Quand j’y viendrai laver mes paupières brûlées.


Lettre à Nathanaël.

Tu n’imagines pas, Nathanaël, ce que peut devenir enfin cet abreuvement de lumière ; et la sensuelle extase que donne cette persistante chaleur… Une branche d’olivier dans le ciel ; le ciel au-dessus des collines ; un chant de flûte à la porte d’un café… Alger semblait si chaude et pleine de fêtes que j’ai voulu la quitter pour trois jours ; — mais à Blidah, où je me réfugiais, j’ai trouvé les orangers tout en fleurs

Je sors dès le matin ; je me promène ; je ne regarde rien et vois tout ; une symphonie merveilleuse se forme et s’organise en moi des sensations inécoutées. L’heure passe ; mon émoi s’alentit, comme la marche du soleil moins verticale se fait plus lente. Puis je choisis, être ou chose, de quoi m’éprendre, — mais je le veux mouvant, car mon émotion, sitôt fixée, n’est plus vivante. Il me semble alors à chaque instant nouveau n’avoir encore rien vu, rien goûté. Je m’éperds dans une désordonnée pour-