Page:Gide - Les Nourritures terrestres.djvu/201

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par la prière ; — et mon âme et ma chair sont restées désespérément assoiffées. — L’heure est désespérément passée.

(Serait-il vrai ? serait-il vrai, Sulamite ? — Vous m’attendiez et je ne le savais point ! Vous m’avez cherché et je n’ai pas entendu votre approche !)

Ah ! jeunesse — l’homme ne la possède qu’un temps et le reste du temps se la rappelle.

(Le plaisir frappait à ma porte ; le désir lui répondait dans mon cœur ; je restais à genoux, sans ouvrir.)

L’eau qui passe peut certes arroser encore bien des champs, et beaucoup de lèvres s’y désaltèrent. Mais que puis-je connaître d’elle ? — Qu’a-t-elle pour moi que sa fraîcheur qui passe ? et qui brûle quand elle est passée. — Apparences de mon plaisir, vous vous écoulerez comme l’eau. Que si l’eau se renouvelle ici, ce soit pour une constante fraîcheur.

Intarissable fraîcheur des rivières, jaillissement sans fin des ruisseaux, vous n’êtes pas ce peu d’eau captée où naguère mes mains trempèrent, et qu’on