Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/320

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tection est-elle nécessaire ? Est-ce aux faibles contre les forts ou aux forts contre les faibles ? Est-ce aux jeunes contre les vieux ou aux vieux contre les jeunes ? Et que penser d’un argument qui peut servir indifféremment à des thèses contradictoires ?

Chassons aussi cette crainte vaine qu’un pays se trouve jamais dépeuplé par le commerce international ! Ce tableau effrayant d’un peuple délogé successivement par la concurrence étrangère de toutes les branches de la production, réduit à laisser sa terre en friche et à aller chercher un asile sur le territoire même de ses vainqueurs, est fantastique. Jamais un pays, si déshérité qu’il soit, ne sera inférieur aux autres dans toutes les branches de la production. Et si par aventure un tel cas se présentait, si un peuple était si maltraité par la fortune qu’il dût plus peiner sur son sol et y vivre plus mal que partout ailleurs, ce n’est certes pas la prohibition des produits étrangers qui le rendrait plus riche ! En ce cas les travailleurs et les capitaux sauraient bien trouver le chemin de contrées plus heureuses et, pour les en empêcher, il faudrait élever non pas une barrière de douanes mais un mur de prison.

On oublie d’ailleurs, en raisonnant de la sorte, la loi générale du commerce international qui tend toujours au troc. Toute importation appelle une contre-partie : comment donc supposer qu’un pays achète tout de l’étranger sans lui rien donner en retour ? — à moins d’admettre que l’étranger ne lui fournisse gratis tout ce qu’il lui envoie, auquel cas la situation du pays importateur serait plus enviable que pitoyable et on ne voit pas comment elle aurait pour effet de le ruiner ! En réalité, si l’on suppose un pays trop pauvre pour pouvoir rien fournir à l’étranger, qu’on se rassure ! l’étranger se gardera bien de lui rien envoyer.

Il est même peu à craindre dans des conditions normales qu’un pays se trouve dépouillé de son numéraire par le jeu du commerce international. Nous avons expliqué pourquoi, et même dans les exemples qu’on peut citer (Républiques Sud-Américaines) la cause doit en être cherchée plutôt dans les