Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/324

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nues. C’est une question qu’on ne saurait trancher dogmatiquement et pour laquelle chaque pays doit consulter son tempérament et sa situation et s’inspirer de sa destinée.

La seconde raison c’est que le déplorable état de guerre imminente ou du moins de paix armée qui caractérise l’Europe à la fin de ce siècle, crée une situation anormale et peut justifier temporairement le système protectionniste. Puisque nous vivons à une époque si barbare que chaque pays se croit à la veille d’une déclaration de guerre générale il est naturel que chacun d’eux se préoccupe de sauvegarder les industries indispensables à sa sécurité. Or ces industries indispensables, ce n’est pas seulement telle ou telle fabrique d’armes ou de biscuits, c’est la houille sans laquelle les trains ne pourraient marcher ni par conséquent la mobilisation s’effectuer, c’est le fer, ce sont les chevaux, c’est le blé, la viande, le drap, le cuir, tout ce qui est nécessaire pour entretenir et faire vivre des millions d’hommes en temps de guerre. Étant donnée la forme actuelle de la guerre qui arme la population tout entière et met en jeu toutes les ressources économiques de la nation, il n’est pour ainsi dire plus une seule industrie dont on puisse dire qu’elle soit inutile à la défense nationale.

Seulement il faut bien se dire :

1° Que même dans les cas où la protection doit être acceptée comme une nécessité ; elle est toujours une nécessité fâcheuse, parce qu’elle constitue une charge pour le pays qui est forcé d’y recourir et lui impose des sacrifices considérables. Les protectionnistes n’aiment pas à faire cet aveu et bernent le pays par la perspective de gains imaginaires. Mais à quoi bon ? un pays hésite-t-il à s’imposer des sacrifices égaux ou plus lourds encore quand il s’agit de sauvegarder sa suprématie politique, militaire, maritime ou coloniale ? Pourquoi n’y consentirait-il pas aussi pour sauvegarder sa suprématie industrielle ou commerciale, qui est d’une importance au moins égale au point de vue de son existence nationale et de ses destinées ? Les droits protecteurs et les guerres de tarifs valent ce que valent la paix armée et la guerre à