Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/467

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manufacturés, tels que les vêtements, meubles, etc., ont diminué dans des proportions considérables, et les prix des transports, de la correspondance, de l’instruction, ont diminué plus encore.

On estime qu’en moyenne c’est tout au plus si la vie matérielle a augmenté de 25 % depuis un demi-siècle. Or, comme les salaires, ainsi que nous venons de le voir, ont augmenté de 66 à 100 %, on voit qu’il reste une bonne marge de hausse réelle.

2° En admettant même, disent des socialistes, que la hausse des salaires soit en partie réelle, elle n’est pas en tout cas proportionnelle au développement de la richesse générale et à l’accroissement du revenu des autres classes de la société. Supposons que la masse à partager entre les propriétaires et les prolétaires fût, il y a cinquante ans, de 10 milliards, à raison de 5 milliards pour chaque classe supposons qu’aujourd’hui la masse à partager s’élevant à 20 milliards, les prolétaires touchent maintenant 7 milliards et les propriétaires 13 : — en ce cas la hausse des salaires, quoique réelle, ne représenterait pas une véritable élévation de condition ; la part des salariés se serait accrue de 40 %, celle des propriétaires de 160 %, quatre fois plus. Les salariés auraient plus de bien-être, mais ils ne se sentiraient pas plus riches, car il ne faut pas oublier que la richesse est chose toute relative, et telle est la nature de l’homme que l’aisance même lui apparaît comme un état de misère si elle fait contraste avec l’opulence de ceux qui l’entourent.

Cet argument contre l’ordre social actuel est peut-être le plus fort de tous ceux que renferme l’arsenal socialiste. En effet, au point de vue de la justice sociale, il faut admettre que les travailleurs ont droit non pas seulement à une amélioration quelconque dans leur condition, mais à un accroissement de revenu au moins proportionnellement égal à celui des autres classes de la société. Or, il semble bien que l’accroissement du revenu de la classe ouvrière n’a pas suivi une progression égale à celle de la richesse générale. Si nous prenons, par exemple, les chiffres officiels des valeurs