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individualiste n’ait pu constituer, sous le régime de la lutte pour la vie, un facteur important du progrès, il est à souhaiter qu’il s’affaiblisse et soit remplacé progressivement par le sentiment inverse d’une solidarité de plus en plus étroite et voulue avec nos semblables. Autant il est raisonnable de désirer être bien, autant il est déraisonnable de désirer être mieux que les autres. Et pour une âme noble, au contraire, le bien-être individuel n’est complet que par le bien-être d’autrui, non seulement de nos proches, mais de nos concitoyens, de tous les hommes.

II

POURQUOI LES BESOINS SONT ILLIMITÉS EN NOMBRE.

Les besoins dont nous venons de parler présentent un double caractère : ils sont illimités en nombre et limités en capacité.

Ils sont illimités en nombre, en ce sens qu’à chaque étape de la civilisation leur nombre grandit. Chaque idée nouvelle crée un besoin nouveau.

Il est vrai qu’il en est dans le nombre qui ne persistent pas et qui, après avoir duré quelques générations ou peut-être quelques jours seulement, tombent comme les feuilles caduques qui se détachent de l’arbre, soit que le même caprice qui les a fait naître tes abandonne, telles les éphémères créations de la mode, soit qu’un besoin nouveau et inconciliable avec le précédent vienne détrôner celui-ci. Mais, somme toute, le nombre de besoins qui disparaissent est loin de balancer le nombre de ceux qui naissent et, de même que dans les générations humaines, c’est une foule qui va se multipliant d’âge en âge.

Il en est des besoins de l’humanité comme de ceux de l’enfant. À sa naissance, il n’en a point d’autres qu’un peu de lait et une chaude enveloppe, mais peu à peu des aliments plus