Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/527

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1° Il est facile de comprendre d’abord que la propriété foncière ne peut se constituer dans une société qui vit de la chasse ou même chez les peuples pasteurs qui vivent à l’état nomade. Elle ne peut naître qu’avec l’agriculture. Et même dans les premières phases de la vie agricole, elle ne se constitue pas encore : — d’abord parce que la terre durant cette période étant en quantité surabondante, personne n’éprouve le besoin de délimiter sa part ; — ensuite parce que les procédés agricoles étant encore à l’état embryonnaire, le cultivateur abandonne son champ, sitôt qu’il est épuisé, pour en prendre un autre. La terre est cultivée sinon en commun, du moins indistinctement : elle appartient à la Société tout entière ou plutôt à la tribu. Les fruits seuls appartiennent au producteur.

2° Cependant la population devient peu à peu plus sédentaire et se fixe davantage sur le sol : elle devient plus dense aussi et éprouve le besoin de recourir à une culture plus productrice. Alors à la première phase en succède une seconde, celle de la possession temporaire avec partage périodique[1]. La terre, quoique considérée toujours comme appartenant à la Société, est partagée également entre tous les chefs de famille, non pas encore d’une façon définitive, mais seulement pour un certain temps : d’abord pour une année seulement puisque tel est le cycle ordinaire des opérations agricoles, puis petit à petit au fur et à mesure que les procédés agricoles se perfectionnent et que les cultivateurs ont besoin de disposer d’un plus long espace de temps pour leurs tra-


    que chronologique. Nous ne prétendons nullement affirmer que par tout pays la propriété ait revêtu chacune de ces formes successivement. Ainsi le dominium ex jure Quiritium, forme de propriété libre et absolue, a précédé historiquement la propriété féodale, quoiqu’il représente logiquement une forme supérieure.

  1. « Arva per annos mutant : ils changent de terre tous les ans », dit un texte fameux de Tacite en parlant des anciens Germains. Il est vrai qu’on a contesté récemment le sens de ce texte en donnant une traduction nouvelle et assez paradoxale « ils changent leurs cultures tous les ans ». En tout cas, ce régime de la propriété collective de la tribu se retrouve aujourd’hui en divers lieux et notamment dans la terre dite arch des tribus indigènes en Algérie.