Page:Gide - Principes d’économie politique.djvu/583

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Malheureusement si la vie en commun a l’avantage incontestable de réaliser de grandes économies, en revanche elle a ce fâcheux effet de supprimer la vie de famille en détruisant le foyer domestique, ce home qui a toujours constitué un des premiers besoins de l’homme. La nature humaine a toujours répugné à la vie de gamelle ou même de table d’hôte[1]. C’est donc perdre de vue le but même de la richesse qui n’est autre, en définitive, que de nous procurer des jouissances que de sacrifier au désir de réaliser quelques économies, toutes les conditions du bonheur intime et un des éléments les plus moralisateurs de l’existence humaine. Ce serait bien le cas de répéter avec le poète :

Et propter vitam vivendi perdere causas.

2° Puis l’achat en commun. Sans s’astreindre à la vie en commun, c’est-à-dire, à l’obligation de coucher sous le même toit et de s’asseoir à la même table, on peut réaliser, au moins en partie, ses mêmes avantages par l’institution d’associations de consommation. Un nombre plus ou moins grand de personnes s’associent pour acheter en commun, et par conséquent en gros, tout ou partie des objets nécessaires à leur consommation, ce qui leur permet de les obtenir à meilleur marché[2].

  1. Un père de famille dira en lisant cet aperçu « Mon plaisir est de dîner avec ma femme et mes enfants et, quoiqu’il arrive, je conserverai cette habitude qui me plaît ». C’est fort mal jugé. Elle lui plaît aujourd’hui faute de mieux, mais quand il aura vu deux jours les coutumes d’Harmonie, il renverra au bercail sa femme et ses enfants qui, de leur côté, ne demanderont pas mieux que de s’affranchir du morne dîner de famille ». Œuvres choisies, p. 143.
    Il ne faut pas oublier, quand on lit ce passage, que Fourier était un vieux garçon. Aussi bien la vie en commun est-elle très acceptable pour des célibataires et c’est pour cela que certains clubs de Londres ou des États-Unis sont installés dans des conditions qui ressemblent assez à celle du phalanstère.
  2. On peut citer comme exemple les grandes Sociétés de consommation des employés civils ou des militaires de Londres, qui rivalisent d’importance avec les magasins du Bon-Marché ou du Louvre, et beaucoup de sociétés semblables par tous pays. Toutefois les Sociétés de consommation qui se donnent pour unique but de réduire la dépense, c’est-à-dire