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Page:Gide - Si le grain ne meurt, 1924.djvu/278

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Cornudet venait de paraître ; le livre (la nouvelle édition de 84) était sur les tables du salon de La Roque et de celui de Blancmesnil ; Lionel et moi, cédant au mouvement, nous nous exaltions sur ces lettres où Montalembert faisait figure de grand homme ; son amitié pour Cornudet était touchante ; Lionel rêvait notre amitié pareille ; bien entendu, c’était moi, Cornudet. C’est sans doute aussi ce qui fait qu’il ne supportait pas qu’on lui apprît rien ; toujours il savait tout avant vous, et parfois il lui arrivait de vous réciter votre propre opinion comme sienne, oubliant qu’il vous la devait, ou de vous redonner avec suffisance le renseignement qu’il tenait de vous. En général il servait comme de son cru ce qu’il avait glané par ailleurs. Avec quel amusement j’avais retrouvé, dans une revue, le mot, absurde du reste, qu’il avait laissé tomber de si haut, comme un fruit de ses réflexions personnelles, du temps que nous découvrions Musset : « C’est un garçon coiffeur qui a dans son cœur une belle boîte à musique ». (Je n’aurais peut-être pas parlé de ce travers, si je n’avais lu dans les