Page:Gilbert - Le Dix-huitième Siècle, 1775.djvu/12

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Quelques Marquis, d’ailleurs doués de mœurs auſtères,
Polygames galans & vieux célibataires ;
Pluſieurs encor, vraiment Philoſophes parfaits,
En petite Gomorre érigeant leur Palais.
Mais la corruption, à ſon comble portée,
Dans le cercle des Grands ne s’eſt point arrêtée ;
Elle infecte l’Empire, & les mêmes travers
Règnent également dans tous les rangs divers.
Il faut voir ce Marchand, Philoſophe en boutique,
Qui déclarant trois fois ſa ruine authentique,
Trois fois s’eſt enrichi d’un heureux deshonneur,
Trancher du Financier, jouer le grand Seigneur :
Monſieur, pour ſes amis, entretient une Actrice ;
Madame, des beaux arts bourgeoiſe Protectrice,
En couvent d’eſprits-forts transforme ſa maiſon
Et fait de ſon comptoir un Bureau de raiſon.
Par-tout s’offre l’orgueil & le luxe & l’audace ;
Orgon, à prix d’argent, veut annoblir ſa race :
Devenu Magiſtrat de mince roturier,
Pour être un jour Baron, il ſe fait uſurier :
Jadis, son Clerc, Mondor envioit ſont partage ;
Tout-à-coup, des bureaux ſecouant l’eſclavage,
Il loge ſa moleſſe en un riche Palais
Et derrière un char d’or promenant trois valets,
Sous ſix chevaux pareils ébranle au loin la rue ;
Mais ſa fortune, Ami, comment l’a-t-il accrue ?