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Page:Gilbert - Les Lettres françaises dans la Belgique aujourd’hui, 1906.djvu/13

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provinces belges étaient, littérairement, comme des landes stériles, comme des champs en friche où la désolation régnait.

Est-ce à dire que, jusqu’à cette date fatidique nul ne s y intéressait à l’art de bien écrire et n’éprouvait le besoin de chanter, en vers ou en prose les rêves de son imagination ? Il serait excessif, évidemment,

de l’affirmer. Mais il faut bien reconnaître 

qu’en ces temps-là tout artiste de la plume demeurait fatalement un isolé, une exception, une sorte de monstre incompris, et quelque peu tenu en suspicion par la petite phalange des imitateurs servies qui représentaient les belles-lettres. C’étaient ceux-ci, des professeurs, des magistrats « cultivés > des administrateurs à loisirs, quelques fonctionnaires qui se divertissaient à contrefaire l’art académique français. Érudits et amateurs si l’on veut mais poètes non pas !

Ces isolés qui, dans l’indifférence du public et dans la morne atmosphère d’une littérature asservie a de vieux rites partout périmés, créaient pour eux-mêmes des œuvres délicates ou puissantes furent peu nombreux, d’ailleurs. Pour leur trouver un ancêtre, il faut bien remonter à l’un de nos écrivains du xviii e siècle que son exquise souplesse . de style et son originalité de moraliste aimable et profond avaient francisé : je veux parler de ce charmant Prince de Ligne dont M«>a de Staël a pu dire avec tant de judicieuse finesse que c’était « le seul étranger qui, dans le genre français, fût devenu modèle au heu d’être imitateur ».

Historien attractif par la justesse de ses jugements comme par le piquant de ses anecdotes, styliste séduisant, tour à tour ironique ou enjoué le Prince de Ligne sut conquérir, par sa trempe d’esprit et par la personnalité dont tous ses essais » sont empreints, les suffrages unanimes des Fran-