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Page:Gilbert - Les Lettres françaises dans la Belgique aujourd’hui, 1906.djvu/15

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et Octave Pirmez. Le nom de Charles de Coster évoque toute la Flandre et son âme ardente, impulsive et généreuse ; celui d’Octave Pirmez parle de mélancolie pensive, et ses syllabes assourdies semblent résumer tous les accents de l’âme tendre et ondoyante de la Wallonnie.

Aujourd’hui même que nous pouvons applaudir des poètes comme Verhaeren et des prosateurs comme Mœterlinck, il est douteux que la littérature française ait jamais suscité en Belgique, dans les temps modernes, un artiste plus personnel et plus magistralement créateur que Charles de Coster. La. légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Gœdzak au pays de Flandres et d’ailleurs, qui est son chef-d’œuvre, miroite, comme une relique sous les cristaux et sous les gemmes d’une châsse du xv» siècle, dans le musée de nos gloires artistiques. Les deux dons principaux qui concourent à former le génie d’un écrivain, celui de susciter des images prestigieuses et inédites, d’en faire jaillir toute l’émotion qu’elles peuvent provoquer, et celui de créer ou d’asservir un vocabulaire riche, chatoyant et renouvelé, éclatent ici à l’envi. Au point de vue de la langue, signalons surtout l’archaïsme savant et savoureux qui prête un rare attrait aux accents d’un lyrisme emporté ou poignant. C’est de l’ensemble de ces vertus exceptionnelles que naît, dans Ulenspiegel, cette ferveur enthousiaste qui permet à l’auteur d’atteindre le but grandiose auquel il aspirait :

faire chanter toute l’âme  des Flandres dans une sorte 

d’épopée houleuse, pittoresque et magnifiquement pitoyable.

Quand nous relisons cette œuvre d’une conception harmonieuse et d’une si âpre éloquence, cette œuvre qui fut justement comparée à une sorte de Bible nationale, nous sommes pris de mélancolie à songer