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Page:Gilbert - Les Lettres françaises dans la Belgique aujourd’hui, 1906.djvu/22

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là viendront nous accueillir qui auront partagé nos rêves. Ne sont-ce pas les esprits des morts qui me parlent en ce moment ? Que suis-je ? De la terre changeante. Mes pensées me viennent d’ailleurs : peut-être des intelligences qui, au souffle de Dieu, errent dans l’espace. Avec un « peut-être » où n’irions-nous pas ? Je pourrais dire : ou irions-nous ? Partout, sauf au bonheur. »

Le doux frémissant que fut Octave Pirmez repose aujourd’hui, lui aussi, sous la terre dont il sut dire l’attrait mystérieux avec un si rare bonheur. Les morts persistent comme des gardiens du Passé et comme des entraîneurs vers l’Avenir. Leur souvenir demeure un encouragement, un appui, une sauvegarde, à peu près comme ces portraits d’ancêtres dont le regard immobile réconforte à certaines heures, blâme ou conseille à certaines autres... Ils ne peuvent plus pourtant, prisonniers dans leurs cadres, nous mener à la bataille... Charles de Goster et Octave Pirmez s’étaient évanouis tous deux dans le décor hiératique de leur solitude, quand notre jeune littérature fleurit pour la première fois au maigre soleil de l’indifférence nationale. Il fallait des énergies vivantes, et comme trépidantes de leurs fièvres, pour discipliner et pour soutenir ces fraîches cohortes. Parmi les hommes qui gardent l’honneur d’avoir été ces guides, ces conseillers et ces excitateurs d’art, il convient de nommer surtout deux écrivains, encore aujourd’hui pleins de vie féconde et de sève productrice. Ce sont M. Edmond Picard et M. Camille Lemonnier. Mais il importe, avant d’esquisser leurs traits, de suspendre une couronne tributaire au mausolée de l’enthousiaste et passionné jeune homme, dont les vingt ans, bouillonnant d’ardeur poétique et guerrière, réussirent à galvaniser, voici près de cinq lus-